Comment la Déclaration a-t-elle été élaborée ? Le texte est né de la volonté de prévenir un autre Holocauste et les souffrances endurées par les populations. Ayant en mémoire les deux guerres mondiales et la Grande Dépression récentes, les rédacteurs ont écrit ce qui ne doit pas et ce qui doit être fait aux êtres humains. Plusieurs dirigeants du monde ont explicitement posé les droits que tous les hommes, femmes et enfants doivent attendre et réclamer, simplement parce qu’ils sont des êtres humains.
Le rédacteur chilien Hernán Santa Cruz commenta que les 58 États membres de l’ONU de l’époque s’étaient accordés sur le fait que les droits de l’Homme découlaient de leur existence. C’est la reconnaissance des droits de l’Homme par les Etats – a-t-il dit – qui a donné naissance au droit inaliénable de vivre sans privation, ni oppression et de développer pleinement sa propre personnalité.
La Charte des Nations Unies suppose la reconnaissance internationale des droits de l’Homme. Mais il n’y a pas de développement de normes. Une commission spéciale des droits de l’Homme a été créée et l’Assemblée générale a adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme avec 48 voix pour et 8 abstentions le 10 décembre 1948 au palais Chaillot à Paris.
Eleanor Roosevelt, première présidente de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU et veuve du président des États-Unis Franklin Roosevelt, a souligné à plusieurs reprises la nécessité d’un texte clair et bref qui puisse être facilement compris par n’importe quel homme ou femme.
La Déclaration comprend 30 articles. Le préambule part de l’idée que les droits de l’Homme fondamentaux trouvent leur racine dans la dignité et la valeur de la personne humaine et qu’ils reviennent donc à tous les membres de la “famille humaine”. Droits égaux et inaliénables. Ces droits doivent être protégés par un régime de droit pour que l’être humain ne soit pas contraint au recours suprême de la rébellion contre la tyrannie et l’oppression. Quant aux droits proprement dits, énumérés dans la Déclaration, ils peuvent être divisés en plusieurs catégories.
Outre les droits qui impliquent en soi une abstention de la part de l’État, la Déclaration en contient d’autres qui impliquent une action positive de l’État. Ces droits sont de deux sortes : les droits procéduraux et politiques d’une part, et les droits civils et sociaux d’autre part. La première catégorie comprend le devoir des États d’accorder à tous, sur un pied d’égalité et sans distinction, une protection juridique par l’intermédiaire de tribunaux indépendants (articles 7; 8; 10 et 12), la présomption d’innocence tant que la culpabilité n’a pas été établie par la justice (article 11, paragraphe 1), le droit au suffrage universel égal et à la participation au gouvernement du pays, directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, car la volonté du peuple est la base de l’autorité du pouvoir public (article 21).
Les droits civils et sociaux sont notamment le droit à la sécurité sociale (article 22), le droit au travail et à une rémunération équitable (article 23), au repos (article 24), à la protection contre le chômage forcé et la maladie (article 25), et tout particulièrement, le droit de libre syndicalisation (article 23, quatrième alinéa), le droit à l’éducation pour le plein épanouissement de la personnalité humaine (article 26), le droit de participer librement à la vie culturelle de la communauté (article 27) et le droit d’établir un ordre social et international dans lequel les droits et libertés proclamés dans la Déclaration deviennent pleinement effectifs (article 28).
Les idéaux universels contenus dans les 30 articles de la Déclaration vont du plus fondamental – le droit à la vie – à ceux qui rendent la vie utile, comme les droits à l’alimentation, à l’éducation, au travail, à la santé et à la liberté.
La Déclaration et ses 30 articles ont marqué un tournant dans l’histoire des droits de l’Homme. Pour la première fois, les droits fondamentaux de toutes les personnes ont été établis et reconnus universellement afin d’assurer leur protection en tout lieu, moment et contexte. Étant donné qu’ils sont inhérents à toutes les femmes, hommes et enfants, les droits énumérés dans les 30 articles de la Déclaration sont indivisibles. En outre, ils sont tous aussi importants les uns que les autres et ne peuvent ainsi être placés dans aucune hiérarchie. Aucun droit de l’Homme ne peut être pleinement exercé sans l’exercice de tous les autres. La négation d’un droit rend difficile la jouissance des autres.
Le document soumis à l’ONU en 1948 n’était cependant pas le traité contraignant détaillé que certains délégués attendaient. C’est une déclaration. Il s’agit donc d’un exposé de principes, avec une absence notable de formules juridiques détaillées. Il a fallu plus de 18 ans pour faire adopter les deux pactes internationaux contraignants qui ont façonné les droits de l’Homme au niveau mondial : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui ont été adoptés en 1966 et qui, avec la Déclaration, sont connus comme la Charte internationale des droits de l’Homme. Le problème est que les États résistent toujours à un contrôle supranational.
Au cours de ces 74 dernières années, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a imprégné pratiquement tous les recoins du droit international. Ses principes se retrouvent dans les législations nationales ainsi que dans d’importants traités régionaux et plus de 90 États en ont consacré le langage et les principes dans leurs constitutions.
De nombreux traités de l’ONU, y compris ceux sur les femmes et les enfants, la torture et la discrimination raciale, découlent d’articles spécifiques de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ainsi que d’autres déclarations de l’ONU sur les droits, en particulier celles sur les droits de l’enfant de 1959, sur l’élimination de la discrimination raciale de 1963, les conventions sur le génocide, les réfugiés, les femmes, la rectification, l’apatridie, l’abolition de l’esclavage, la femme mariée, le mariage etc. Il faut également souligner le travail méritoire de l’Organisation internationale du Travail OIT et de l’UNESCO.
L’Assemblée Générale des Nations Unies a créé le 20 décembre 1993 le poste de Haut Commissaire pour la défense des droits de l’Homme. Il a son siège principal à Genève mais a des bureaux dans 13 pays ou territoires : Bolivie, Cambodge, Colombie, Guatemala, Guinée, Mauritanie, Mexique, Palestine (qui est un bureau indépendant), Kosovo, Togo, Tunisie, Ouganda et Yémen.
Le monde a radicalement changé ces 74 dernières années. Les rédacteurs n’avaient pas prévu les défis de la vie privée numérique, de l’intelligence artificielle ou du changement climatique. L’accent de la Déclaration sur la dignité humaine continue cependant à fournir une base solide pour les concepts de libertés liés aux nouveaux enjeux. Soixante-quatorze ans plus tard, la Déclaration reste en vigueur et aussi nécessaire que le premier jour.
Aujourd’hui est une journée pour célébrer et sensibiliser à l’importance capitale des droits de l’Homme, attirer l’attention et nous impliquer dans leur défense et leur revendication.
Il est de notre devoir de transmettre aux générations futures cet héritage de l’Humanité parce qu’il est fondamental d’éduquer les jeunes aux droits de l’Homme afin d’aider à construire une jeunesse et une société consciente de la dignité de tous les êtres humains.
Arturo Pérez Martínez, Ambassadeur d’Espagne.