Le 30 avril dernier, une conférence intitulée “Le point de vue russe sur le contexte géopolitique actuel : les relations entre la Russie et l’Espagne” a eu lieu au Centre Riojano de Madrid, organisée par la Seconde Secrétaire de l’Ambassade de Russie, Nadia Dementieva. Un thème au cœur de l’actualité et particulièrement pertinent au vu des événements récents qui ont eu lieu sur la scène internationale, comme la sortie des États-Unis du Traité FNI (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire).
Cette conférence, organisée dans le cadre du Forum des Nation Unies, a été menée conjointement par la Fondation Paix et Coopération et le Centre Riojano de Madrid. Le prochain événement aura lieu le 20 mai avec l’Ambassade du Japon et la présence de l’Ambassadeur espagnol qui a travaillé au pays du soleil levant, Arturo Pérez Martínez. Elle portera sur le thème “Tokyo 2020”.
La conférence a été lancée par Gloria Martínez du conseil d’administration du Centre Riojano. Elle remplaçait le président José Antonio Rupérez et présidait la table aux côtés de Joaquín Antuña, président et fondateur de Paix et Coopération, de Pedro López Arriba, l’ex-président du Centro Riojano, et de la magistrate Nadia Dementieva, qui s’exprimera sur la vision russe concernant le contexte géopolitique actuel.
Don Pedro López a commenté que le thème du jour était suggestif, puisque les relations entre la Russie et l’Espagne ont vécu des moments joyeux mais aussi malheureux, mais les deux pays ont noué un lien il y a évident il y a bien longtemps.
Ce fut en 1812 que le Royaume d’Espagne signa un traité de Paix, Amitié et Coopération avec l’Empire Russe, avec l’intention de freiner l’avancée de Napoléon. Cette date coïncide avec la création de la Constitution de Cadix, qui fut acceptée par le Tsar de Russie. Même si, comme nous pouvions nous en douter, les relations se compliquèrent de nouveau et entraînèrent de claires oppositions entre les pays à partir des années 1940, 50, 60, avec la dictature du Général Franco en Espagne et le communisme en Union Soviétique.
De son côté, Joaquín Antuña a souligné le grand professionnalisme de Nadia Dementieva, a remémoré l’intervention de l’Ambassadeur de Russie à l’Hôtel Palace, et a rapporté que “la Russie est une démocratie très jeune, elle a souffert par le passé d’une absence de liberté, autant durant la période tsariste que dans sa tentative de proclamation de l’égalité. Elle a maintenant une démocratie avec ses élections et ses oppositions, c’est un pays démocratique”. Il a finalement laissé sa place à Nadia Dementieva en ajoutant qu’elle était ici chez elle, et rappela l’importance de la Russie dans la géopolitique mondiale.
Nadia Dementieva a commencé par nous rappeler que le monde actuel est globalisé, c’est pourquoi il est important de connaître l’actualité internationale et le contexte géopolitique. Sans aucun doute, les changements dans le monde actuel sont rapides et tumultueux. Le nouvel ordre mondial est de plus en plus multipolaire et, a-t-elle ajouté, “nous espérons qu’il sera de plus en plus juste et démocratique”. Malgré tout, il y a toujours des acteurs qui ne s’adaptent pas à ces changements et préfèrent entretenir un climat de guerre froide en voyant le monde de manière bipolaire.
Ceci étant dit, Nadia nous a éclairé sur le thème à traiter, sur la Russie et ses caractéristiques. C’est effectivement le plus grand pays du monde, qui jouit d’une position géostratégique particulière. Il ne faut pas oublier qu’elle a des frontières terrestres avec 18 pays, plus de 146 millions d’habitants avec plus de 100 groupes ethniques qui parlent leurs propres langues. L’intervenante a ainsi souligné la grande complexité d’un pays si grand et divers. Par ailleurs, la Russie est un pays qui travaille de manière constructive dans de nombreux organismes internationaux, comme aux Nations Unies (où elle possède un siège au Conseil de Sécurité), au G20, dans les BRICS, le Traité de Shanghai… ainsi, elle a une grande responsabilité dans le contexte de stabilité et de sécurité globale.
La Seconde Secrétaire a ajouté que la Russie dispose d’une économie de marché qui n’est plus soumise au communisme. Malgré ses difficultés, la Russie défend ses intérêts économiques et politiques comme le reste des États. Mais il est clair que pour y arriver, la coopération avec d’autres pays est nécessaire. L’intervenante a défendu que la coopération est nécessaire et que, pour obtenir un monde équilibré, il faut construire des ponts et ne pas créer de nouvelles barrières, cela constitue la base de sa politique étrangère. Elle a précisé que, malgré les critiques de l’Occident, “la Russie ne menace personne, toutes nos mesures en matière de sécurité ont un caractère de réponse, ou plutôt, de défense”.
La politique étrangère russe se place du côté du Droit International, en disant qu’il y a des “États” qui veulent inventer les règles en s’appuyant sur “un ordre basé sur les règles” à la place du Droit International. Elle soutient la négociation et le dialogue pour faire face aux défis d’aujourd’hui comme le terrorisme, dont nous avons été témoins récemment au Sri Lanka, le narcotrafic, le changement climatique et la prolifération d’armes de destruction massive.
Sa ligne d’action en politique étrangère mise sur la coopération pour la résolution de crises et dénonce les situations où la diplomatie a été négligée au profit de postures unilatérales. La diplomate a cité les interventions étrangères menées unilatéralement comme dans le cas de l’ancienne Yougoslavie, l’Irak, la Somalie, l’Afghanistan, le Soudan, le Yémen ou encore la Libye qui ont causé des déséquilibres régionaux, des vagues de réfugiés et l’émergence de mouvements djihadistes.
L’exposante a également dénoncé l’initiative des États-Unis de déployer un bouclier antimissile et de sortir du Traité FNI, tout en reprochant à la Russie de mener des essais balistiques interdits par l’accord, un événement qui a généré une incertitude mondiale. Pour se défendre des accusations étasuniennes, le 23 janvier, le gouvernement russe a organisé une exposition à tous les pays de son missile M9-29, supposé violer ledit traité. Toute cette situation menace le TNP (Traité de Non-Prolifération nucléaire), qui est le traité fondamental de désarmement et de contrôle de la prolifération nucléaire.
Nadia Dementieva a ensuite abordé le problème de la cybersécurité, qui se résout en améliorant le dialogue international. Même si la Russie est sans cesse accusée par la presse internationale d’ingérences médiatiques et d’interventions dans les processus électoraux. Des allégations qui, selon elles, sont des fake news, de même que le Rapport Mueller dans lequel serait confirmé un complot entre Donald Trump et le gouvernement russe dans les élections américaines de 2016. Mais surtout, la Seconde Secrétaire a soutenu que tout ceci n’était que des théories conspirationnistes dirigées contre la Russie par l’Occident, alors que les dirigeants européens ferment les yeux sur l’émergence du néonazisme dans le monde et la hausse de la xénophobie en Europe.
Le thème de l’économie mondiale a également été abordé, étant actuellement instable selon l’exposante à cause du ralentissement du taux de croissance du commerce mondial, des guerres monétaires, de l’instabilité qui menace le processus de reprise économique, de la politique étasunienne qui met à mal la confiance dans le dollar, et la menace d’expulser Moscou du système financier occidental. C’est pour cela que, autant la Chine que la Russie et l’Inde, tentent de prendre leurs distances vis-à-vis du dollar et cherchent un système alternatif à l’option étasunienne. Sans aucun doute, l’ambiguïté des relations commerciales entre la Chine et les États-Unis, ajoutée à la crise migratoire en Europe, sont parmi les problèmes les plus urgents auxquels nous faisons face actuellement.
Nadia Dementieva a expliqué que la solution qu’ont choisi les pays exposés aux problèmes évoqués précédemment se fondent sur la recherche d’ennemis et de rivaux, et non sur la coopération. En donnant comme exemple que, dans les documents de l’OTAN, la Russie est ennemie et constitue une préoccupation.
La Russie possède un potentiel énorme en matière de développement. Elle se situe à la 31e place du classement économique mondial alors qu’en 2017, elle était 40e. Ces résultats ont été obtenus malgré les sanctions anti-russes de l’Union Européenne, qui en a été la grande perdante (plus de 100 millions de dollars). De nouvelles structures apparaissent, comme l’Union Économique Eurasiatique, ainsi la Russie n’a plus autant besoin de ces pays qui lui imposent des sanctions.
Après tout cet exposé, Nadia a conclu que le gouvernement russe était ouvert au dialogue et à la coopération, et ainsi être plus efficace tout en renforçant son bon voisinage et la coopération eurasiatique. Elle a également misé sur “une grande Europe unie et sûre”.
La conférence sur la vision de la Russie sur le contexte géopolitique mondial, organisé par le Forum des Nations Unies, était nécessaire pour pouvoir comprendre la géopolitique mondiale, dans laquelle la Russie joue un rôle très important en tant que puissance militaire, économique et politique. De ses agissements dépend la sécurité et la stabilité mondiale.